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Archives du mois de 02 2023

Le 20 février, un nuage chimique envahit le camp de migrants de Mardyck (dans le grand Dunkerque).

27 février 2023 -

On trouve les informations dans "Reporterre" du 27 février 2023.

https://reporterre.net/Dans-le-Nord-un-nuage-chimique-envahit-un-camp-de-migrants

Après une semaine d’attente des résultats des prélèvements de l’air lors de l’incident, un bénévole de Salam a appelé le centre des pompiers de Mardyck.
Il lui a été répondu que le résultat toxicologique était nul, c’est à dire qu’il n’y avait aucune trace probante de produit dans l’air...

Difficile de croire que la prélèvements aient été faits sur le moment...

"Le Monde’ du 26 février : Au moins 62 morts en Méditerranée...

27 février 2023 -

Ce dont parlait hier notre président :
Au moins 62 morts en mer, au cours d’un naufrage impliquant entre 100 et 200 personnes.

Un article du "Monde" du 26 février 2023,

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/26/italie-au-moins-31-migrants-sont-morts-dans-le-naufrage-de-leur-embarcation-pres-des-cotes_6163365_3210.html

Un mot du président.

26 février 2023 -

Entendez svp nos cris désespérés !

Autorités nationales,

autorités européennes,

autorités mondiales

nous ne pouvons accepter

ces morts à quelques centaines de kilomètres à l’est de nos frontières

ces morts à quelques centaines de kilomètres au sud-est de nos frontières

si nous mesurons l’incommensurable difficulté de mettre fin à la guerre atroce menée par le président POUTINE qui sévit à notre porte

nous ne pouvons accepter l’inertie coupable qui laisse mourir en Méditerranée ces familles fuyant les atrocités des dictatures et des guerres !

autorités : réagissez !

Jean-Claude Lenoir (président de l’association Salam Nord/Pas-de-Calais)

Vingt ans après les Accords du Touquet : un mot du président et un article du "Monde"

5 février 2023 -

UN MOT DU PRESIDENT :

Chaque année la traditionnelle question :
Le traité du TOUQUET ?
Ce traité est bilatéral : France - Angleterre .
Qu’en pensez-vous ?

Personnellement, la sortie de l’Angleterre de l’Europe
M’a replongé dans les années 60
Les contrôles avaient lieu en France par les autorités françaises
Puis durant la traversée par les autorités britanniques
Et enfin à nouveau lors du débarquement sur le sol anglais.
Alors les « clandestins » ou considérés comme tels
Etaient immédiatement refoulés sur le bateau pour retrouver le sol français.

Toujours dans ces années 60, parfois arrivaient à Calais par trains spéciaux
Des centaines de Jamaïcains et Pakistanais.
Une malle anglaise était alors affrétée.
Elle embarquait ces personnes en grande précarité.
L’hôtellerie et la restauration londonienne les accueillaient avec bienveillance !

La mémoire collective est étrangement courte
Et dangereusement sélective …
Alors la société tarde à progresser
Faute de s’être enrichie de ses échecs !

Jean-Claude Lenoir.

UN ARTICLE DU "MONDE" du 3 février 2023. :

A Calais, la frontière bunker avec l’Angleterre repousse les migrants vers la mer
Par Julia Pascual (envoyée spéciale à Calais (Pas-de-Calais)), Mathilde Costil (cartographie) et Sylvie Gittus (cartographie)
Publié le 03 février 2023 à 17h00, mis à jour à 03h37

ENQUÊTE
La signature entre Paris et Londres du traité du Touquet instaurait, en 2003, la cogestion de la frontière avec le Royaume-Uni. Vingt ans après, Calais, son port et le tunnel sous la Manche ont été couverts de barbelés et de dispositifs de surveillance, sans autre effet que de pousser les migrants à tenter la traversée de la Manche en bateau pneumatique.

Il pleut dru à Calais. Le vent gronde et les trottoirs sont trempés. Personne ne s’y aventure guère, hormis quelques migrants qui cherchent désespérément à s’abriter. En ce mois de janvier, les associations locales estiment leur nombre à environ 800 – principalement originaires du Soudan, d’Erythrée, de Syrie mais aussi d’Irak et d’Afghanistan – dans cette ville portuaire du Pas-de-Calais qu’un détroit sépare du Royaume-Uni.

Ils vivotent aujourd’hui dans plusieurs campements informels, éparpillés dans les bois bordant des parkings réservés aux poids lourds, ou derrière les hangars d’une zone commerciale. Des grillages ont été dressés sous plusieurs ponts du centre-ville enjambant le canal de Calais, pour les empêcher d’y installer leurs tentes. Mais, pour se mettre au sec, certains n’ont pas hésité à ramper sous la ferraille.

« Ils ont creusé la terre comme des lapins », remarque, désabusée, Juliette Delaplace, chargée de mission pour le Secours catholique, qui organise un accueil de jour dans un local où, chaque après-midi, entre 300 et 400 personnes se pressent pour trouver de la chaleur, charger la batterie d’un téléphone, se renseigner sur des démarches administratives, récupérer un vêtement ou faire une partie de Puissance 4.

Lire la chronique : Article réservé à nos abonnés « Les accords du Touquet permettent à Londres de se soustraire à son devoir d’asile. Le Brexit les a rendus obsolètes »
« Il faut en faire l’expérience pour comprendre qu’il n’y a pas d’endroit pour se réfugier quand il pleut », poursuit Juliette Delaplace. Depuis, la municipalité, dirigée par Natacha Bouchart (Les Républicains) depuis 2008, a saisi le tribunal administratif de Lille qui a ordonné, le 18 janvier, à « tous les occupants sans droit ni titre », installés sous les ponts et sur les quais de la ville, « de quitter les lieux et d’évacuer leurs biens sans délai ».

La signature du traité du Touquet, le 4 février 2003 a eu pour effet de déplacer la frontière britannique en France, avec une gestion partagée du contrôle des flux migratoires. Vingt ans après, les dispositifs sécuritaires se sont multipliés, en particulier à Calais, barrant le paysage de clôtures, de barbelés et de murs de béton pour leur interdire d’y camper ou de se frayer un passage vers le port – d’où partent jusqu’à cinquante ferrys par jour pour l’Angleterre – et le terminal ferroviaire du tunnel sous la Manche, situé à quelques kilomètres de là, à Coquelles.

« Politique du siège »
Entre les communes de Calais et Marck, par exemple, une tranchée a été creusée et un talus aménagé pour bloquer l’accès des véhicules des associations, qui venaient distribuer de la nourriture, remplir une cuve d’eau potable et proposer des recharges de téléphones mobiles. L’endroit a aussi été déboisé et labouré.

Aujourd’hui, un camion-toupie et des pelleteuses s’affairent à la construction d’un entrepôt logistique. Les migrants se sont donc déplacés quelques mètres plus loin, aux abords d’un bosquet. Parmi eux, trois Darfouris sont assis autour d’un feu qu’ils ravivent avec de l’huile alimentaire pour réchauffer une conserve de corned chicken. Autour, dans la boue, des canettes vides, des pelures de clémentine, des sacs plastique, des duvets… vestiges de ceux qui les ont précédés et qui ont rejoint l’Angleterre, ou se sont réfugiés ailleurs.

Sur la route de Gravelines à Calais (Pas-de-Calais), vue, le 27 décembre 2020, depuis un camp de migrants démantelé puis grillagé en juillet 2020. PALOMA LAUDET/ITEM
« Je vis là depuis un mois », confie Mohamed Ahmed, un Soudanais de 20 ans, en désignant une tente. La « jungle » est hostile, mais elle reste pour lui une étape obligée pour passer outre-Manche. Juliette Delaplace étrille une « politique du siège qui repousse les migrants dans les interstices ». A Calais échouent les plus défavorisés, qui attendent une aide financière de leurs proches pour payer des passeurs, ou de pouvoir tenter une traversée clandestine.

Kosovars, Afghans, Kurdes d’Irak ou d’Iran, Erythréens, Soudanais, Albanais… Depuis 1999, au gré des crises géopolitiques ou économiques, l’origine des migrants qui arrivent dans le Calaisis évolue mais le désir d’Angleterre ne faiblit pas. Distante au point le plus proche (cap Gris-Nez) d’à peine 32 kilomètres, elle représente l’espoir de trouver un travail, un parent, une communauté, des perspectives d’une vie meilleure, loin des persécutions et de la misère.

Pour les dissuader de se rassembler dans un campement similaire à celui démantelé en octobre 2016, les collectivités locales et l’Etat mènent une lutte obstinée contre les « points de fixation ». A l’époque, quelque 10 000 personnes vivaient dans la « jungle », un bidonville qui se développait dans la zone industrielle des Dunes, autour du centre d’accueil Jules-Ferry, ouvert par les pouvoirs publics en janvier 2015. Pour éviter que l’histoire ne se répète, l’Etat évacue des lieux de vie et condamne régulièrement l’accès à des zones entières.

« Ils ont fait à Calais ce que [l’ancien président américain] Trump rêvait de faire à la frontière avec le Mexique », commente Jean-Benoît Probst, président d’une association de riverains. Ce Calaisien se souvient de la date précise où des blocs de pierre ont été posés « quasiment sous [ses] fenêtres » par la mairie. C’était le jour de son anniversaire, en septembre 2022. Il suppose qu’il n’y avait « pas d’autre solution ».

Pendant l’été, il avait vu apparaître « une, dix, cinquante, puis deux cents tentes devant chez [lui] », sur le quai du Danube. « Dès qu’il reste un carré d’herbe plat, les migrants reviennent », poursuit cet homme, qui travaille dans la zone industrielle des Dunes, là où avait prospéré la « grande jungle ». Ils « ne [le] dérangeaient pas », reconnaît-il, mais « il y avait des latrines, des immondices, des rats… Ce n’était pas possible de laisser là ce campement ».

La mairie, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, avait alors investi, selon La Voix du Nord, 45 000 euros dans la pose de plus de 600 « rochers » – près de 1 000 tonnes de pierres extraites des Carrières du Boulonnais, à Ferques (Pas-de-Calais). Depuis, les opérations d’enrochement ont été menées en divers endroits de la ville, pour encore plusieurs dizaines de milliers d’euros, suscitant de vives critiques. « Je fais quoi ? Je laisse faire ?, s’est agacée la maire, Natacha Bouchart, le 13 septembre 2022, dans le quotidien régional. Si on ne veut pas de campements gênants en centre-ville, je me dois d’agir. Ça ne sert à rien de démanteler pour que, deux heures après, ils viennent se réinstaller. »

« Ils ont fait à Calais ce que Trump rêvait de faire à la frontière avec le Mexique », commente Jean-Benoît Probst, président d’une association locale de riverains

« Ces rochers, je n’étais pas ravi de les voir, confie M. Probst. J’aurais préféré des plantations. » L’enrochement et l’engrillagement de sa ville, il n’y prête plus attention au quotidien. « C’est quand on revient de vacances que le paysage nous choque », dit-il.

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« C’est laid ! », lâche à son tour Monique (le prénom a été modifié à sa demande), 68 ans, qui habite derrière le centre commercial Auchan de la ville. Elle désigne les terrains herbeux autour de sa maison : « Avant, c’était un bois. Maintenant, ce n’est plus rien. » Des migrants s’y étaient abrités. Alors, l’endroit a été rasé. A quelques mètres de chez elle stationne un camion de La Vie active, une association prestataire de l’Etat. Ceux qui trouvent encore refuge derrière les arbustes des environs peuvent venir y boire un thé ou un café. « Notre ville devient un peu moche, et l’écologie en prend un coup », observe Patricia, à bord du véhicule.

Dans une zone commerciale à l’ouest de Calais (Pas-de-Calais), à l’entrée d’un magasin fermé, des blocs de pierre et des barrières ont été posés afin d’empêcher les migrants de s’y réinstaller. Le 6 juillet 2021. PALOMA LAUDET/ITEM
Forêts détruites, blockhaus de la seconde guerre mondiale murés, parcs clôturés, ponts grillagés, blocs de béton disséminés partout, murs érigés… Quand elle décrit Calais par la métaphore, Patricia convoque des images qu’elle a vues au cinéma ou sur les réseaux sociaux. Elle affirme : « On dirait Banlieue 13 », en référence au film de Pierre Morel, qui mettait en scène un ghetto gangrené par les gangs, tenu isolé de Paris par un mur et qu’une bombe menace de rayer de la carte. Patricia a aussi vu passer sur Facebook une image détournée des zombies de la série The Walking Dead. « Quelqu’un l’avait postée, accompagnée d’une photo des réfugiés sur la rocade [qui mène au port]. C’est vrai qu’il y a une ressemblance », dit-elle.

En stage au Secours catholique, « Rasta » – surnom par lequel se fait appeler ce Calaisien de 45 ans – fait, lui, un parallèle avec les territoires palestiniens : « Ici, c’est la bande de Gaza, une prison à ciel ouvert. » La référence revient lorsqu’il s’agit de qualifier les contours de la station-service Total implantée dans une zone industrielle de la ville, non loin de la rocade portuaire. Celle-ci est presque entièrement murée et coiffée de barbelés afin de dissuader les migrants de se cacher dans des camions en partance pour le Royaume-Uni.

Au fil du temps, le paysage urbain a été transformé en profondeur. « Le plus impressionnant, c’est le port, constate Rasta. Il y a vingt ans, je pouvais accompagner [sans formalités] quelqu’un prendre le ferry là où, aujourd’hui, je passerais cinq points de contrôle. »

« Jusqu’au début des années 2000, la zone frontalière était un espace très ouvert », rappelle Olivier Cahn, membre du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip) et auteur d’une thèse sur la coopération policière franco-britannique à la frontière transmanche. Ce juriste détaille, au gré de différents accords bilatéraux, les trois grandes étapes de mise en sécurité des principales infrastructures que sont le tunnel sous la Manche, à Coquelles, la gare de marchandises de Fréthun et le port de Calais.

Route de Gravelines, à Calais (Pas-de-Calais), la proximité avec un camp de migrants dérange certains habitants, qui ont dépensé jusqu’à 3 000 euros pour sécuriser leur maison. Le 11 mars 2020. PALOMA LAUDET/ITEM
Le protocole additionnel au protocole de Sangatte, signé le 29 mai 2000, organise les contrôles frontaliers au départ des trains, à Lille, à Fréthun et à Paris-gare du Nord. « Les réfugiés, qui désormais ne pouvaient plus prendre le train à Paris jusqu’en Angleterre, ont alors essayé d’emprunter le tunnel sous la Manche », souligne M. Cahn, d’autant que l’entrée se trouvait à proximité du centre d’hébergement de Sangatte, ouvert par les pouvoirs publics en 1999, et fermé en 2002.

Face à ces intrusions, la société Eurotunnel déploie alors une série de dispositifs de surveillance (clôtures, vigiles…). « En 2002, poursuit-il, l’arrangement administratif, non publié, entre Nicolas Sarkozy [alors ministre de l’intérieur] et [son homologue britannique] David Blunkett, prévoit d’empêcher l’entrée dans la gare de fret SNCF de Fréthun. » Enfin, en 2003, le traité du Touquet « verrouille » le port de Calais.

Création d’un délit d’intrusion
Cette politique atteint son paroxysme entre 2014 et 2016, à l’époque de la « grande jungle ». Trente kilomètres de grillage sont posés à l’été 2015 pour isoler le port et la rocade qui le dessert. Fin 2016, cette barrière est prolongée, de part et d’autre de la route, par un mur de béton de 1 kilomètre de long et 4 mètres de haut – pour un coût de 2,7 millions d’euros, financé par les Britanniques. Avant son édification, les migrants profitaient des ralentissements du trafic routier pour grimper dans les semi-remorques.

Ce mur, qui a la particularité d’être végétalisé, c’est Jean-Marc Puissesseau, alors président du port de Boulogne-Calais, qui en a eu l’idée. « On n’en est pas fiers, mais que voulez-vous qu’on fasse ? », interroge aujourd’hui cet homme de 83 ans. Il se remémore l’époque de la « jungle » comme d’une période traumatisante : « Au début des années 2000, la réglementation puis les accords du Touquet nous ont obligés à clôturer le port, avec des concertinas [du fil de fer armé de petites lames de rasoir] et des bavolets, et à contrôler les camions. Mais la jungle, ç’a été le pire. Elle longeait la rocade portuaire, qui faisait tous les jours l’objet de tentatives de blocage. Vous imaginez, 10 000 personnes dont le seul objectif est de passer en Angleterre ? Pour notre image de marque et la fluidité du trafic, la période a été effroyable. »

Le terminal ferroviaire inauguré en mars 2016 – et qui permet de transférer les semi-remorques du train vers les ferrys – doit même suspendre sa ligne, entre juillet 2016 et février 2017, en raison des migrants qui s’introduisent sur le site.

« Je n’ai rien contre ces braves gens, mais le transmanche est notre gagne-pain. Notre activité ne supporte pas le moindre grain de sable. » M. Puissesseau s’est alors rendu Place Beauvau, à Paris, pour rencontrer Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’intérieur. « Je lui ai dit “les grillages, y en a marre ! On peut faire un mur végétalisé”. » Un attirail technologique est venu compléter le dispositif : plusieurs centaines de caméras de vidéosurveillance, des éclairages, des grillages supplémentaires, des brigades cynophiles… « Ce qui a été investi entre 2013 et 2022 se chiffre à environ 25 millions d’euros, insiste M. Puissesseau. Et aujourd’hui, le contrôle des camions coûte 8 millions d’euros par an – ce qui ne devrait pas nous incomber. » Le résultat est manifeste, estime l’ancien PDG : « Le port est aujourd’hui protégé. »

Le mur anti-intrusion construit en 2016 autour de la rocade portuaire à Calais (Pas-de-Calais), le 16 janvier 2021. Haut de 4 mètres, il a pour objectif d’empêcher les migrants d’accéder à la rocade et de grimper à bord des camions à destination du Royaume-Uni. Des Erythréens ont installé leur campement le long du mur. PALOMA LAUDET/ITEM
Un temps, les tentatives de passage se sont reportées sur le tunnel sous la Manche, à Coquelles. A l’époque, le gouvernement évoque 14 000 « intrusions » par mois durant l’été 2015. « Entre juin et octobre 2015, il y a eu des phénomènes d’intrusion massifs, confirme le service de presse de la société Getlink (anciennement Eurotunnel). La France et le Royaume-Uni se sont alors engagés dans une sécurisation des 650 hectares du site. » Quarante kilomètres de barrières de sécurité de 4 mètres de haut sont venus doubler les premiers équipements – déjà renforcés au début des années 2000 –, encerclant les abords du tunnel et « quelques endroits stratégiques en amont, comme la gare de Fréthun ». Des drones, des câbles enterrés de détection par vibration, des scanners, 600 caméras de vidéosurveillance et 300 agents de sûreté sont déployés. Les abords du site sont débroussaillés.

Cet arsenal se double d’un renforcement de la politique pénale. Une circulaire de décembre 2015 de la ministre de la justice, Christiane Taubira, invite les procureurs à réprimer les intrusions dans les enceintes ferroviaires. Elle est complétée par la loi pour l’économie bleue de 2016, qui crée un délit d’intrusion dans les zones portuaires.

« Au verrouillage physique ont été ajoutées des mesures judiciaires de criminalisation ainsi qu’une politique policière de harcèlement pour empêcher la présence des migrants », résume M. Cahn. Finalement, « la sécurisation du port de Calais et du site d’Eurotunnel a permis de réduire drastiquement le nombre d’intrusions [détectées], qui a été divisé par 58 entre 2016 et 2022 : de 15 369 en 2016, à 263 en 2022 », précise la préfecture du Pas-de-Calais dans un e-mail adressé au Monde.

« L’effet principal de l’imperméabilisation de la frontière a été la professionnalisation des passeurs en groupes criminels organisés » – Olivier Cahn, juriste

Ce satisfecit cache mal d’autres mutations, en particulier la montée en puissance des filières de passeurs. « Aux structures d’opportunité de faible envergure implantées sur différents points du territoire national s’ajoutent, depuis 2008, des organisations de plus en plus élaborées », s’inquiétait déjà la ministre Christiane Taubira, dans sa circulaire de 2015. « L’effet principal de l’imperméabilisation de la frontière a été la professionnalisation des passeurs en groupes criminels organisés », corrobore M. Cahn.

Par ailleurs, si les enceintes ferroviaires et portuaires ne cristallisent plus les tentatives de passage, les flux vers le Royaume-Uni ne se sont pas taris pour autant. En témoigne le nombre de demandes du statut de réfugié : en 2015, près de 33 000 demandes d’asile ont été déposées au Royaume-Uni, le chiffre le plus haut depuis 2004 (34 000). Le volume a ensuite diminué pour la première fois depuis 2010, s’établissant au-delà de 30 000 demandes en 2016, et à 26 000 en 2017, avant de repartir à la hausse. Il a atteint plus de 48 500 en 2021, et a dépassé 72 000 demandes fin septembre 2022.

A Calais (Pas-de-Calais), le 8 juillet 2021. Le port est entouré de trente kilomètres de clôtures barbelées, dont quinze kilomètres équipés de systèmes de détection infrarouge ; 129 caméras quadrillent la zone et 225 personnes surveillent en permanence les installations contre les intrusions. PALOMA LAUDET/ITEM
« Les murs, ça ralentit, mais surtout, les gens ont trouvé un autre moyen de passer », souligne Jean-Claude Lenoir, un Calaisien qui a fondé l’association d’aide aux migrants Salam, au début des années 2000. Depuis la fin 2018, les passages en camion ont été supplantés par des traversées de la Manche, en nombre toujours plus important, à bord de petites embarcations pneumatiques. En 2022, celles-ci ont pris des proportions inédites – soit 45 000, selon le Home Office britannique –, soulignant que les routes migratoires se sont seulement déplacées.

Ce constat nourrit les tensions entre Le Royaume-Uni et la France autour de la cogestion de la frontière. A l’automne 2021, le naufrage au cours duquel sont mortes noyées au moins vingt-sept personnes qui cherchaient à rejoindre les côtes anglaises a provoqué une crise diplomatique entre les deux pays. Londres a suggéré que Paris reprenne « tous les migrants ayant traversé illégalement la Manche ». La France a riposté en conseillant à son voisin de renforcer les procédures d’expulsion des sans-papiers et d’ouvrir de nouvelles voies de migration légale.

Le Royaume-Uni affiche une posture d’autant plus revendicative qu’il a versé, d’après un rapport de la Chambre des communes, plus de 360 millions d’euros à la France, entre 2014 et 2022, pour durcir les contrôles frontaliers. Côté français, un rapport d’enquête parlementaire de 2021 estimait à 120 millions d’euros le coût supporté par le pays en 2020 « du fait de la présence des migrants », dont 85 % pour la « sécurisation des territoires » et 15 % pour « la prise en charge sanitaire, sociale et humanitaire des populations migrantes ».

Au rond-point de la zone Marcel-Doret, sur la route menant au port de Calais (Pas-de-Calais), le 23 décembre 2020. Un dispositif a été posé afin d’empêcher les migrants de s’installer sous le pont. PALOMA LAUDET/ITEM
La dernière tranche de financement promise par Londres en novembre 2022 pour lutter contre les traversées maritimes (72,2 millions d’euros) ira en priorité au déploiement de « ressources technologiques et humaines consacrées tout particulièrement à la surveillance, à la détection et à l’interception des tentatives de franchissement illégal de la frontière ».

Désireuses d’avoir leur part, des communes du littoral calaisien ont demandé à être dotées de caméras de vidéosurveillance, tandis que le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, Marc Véran, vantait l’utilité du déploiement de drones lors d’une conférence de presse, au Touquet, le 27 janvier. A 400 kilomètres de là, Cherbourg érige une clôture de 4 mètres de haut. Dans ce grand port de la Manche, de plus en plus de migrants cherchent à monter dans les semi-remorques qui embarquent sur les ferrys. Pour ne pas être repérés, la plupart s’agrippent aux essieux des camions, au risque de leur vie.

Fuite en avant
« C’est une fuite en avant, concède M. Cahn. Mais, aussi déplaisant que soit le traitement réservé par les forces de police aux migrants, il n’atteindra jamais le degré de violence pratiqué par les milices libyennes auxquelles beaucoup ont été confrontés. »

Depuis la signature du traité du Touquet, près de 300 migrants sont morts à la frontière transmanche. « L’accumulation des traités bilatéraux visant à renforcer la frontière, les milliards d’euros dépensés, les chiens, les caméras thermiques, les capteurs de CO2, les détecteurs de battements de cœur, les drones, les avions et hélicoptères, les caméras de vidéosurveillance, les policiers et gendarmes toujours plus nombreux n’y changent rien », ont dénoncé, dans un manifeste publié le 1er février, une soixantaine d’associations.

« Traiter les gens comme des chiens ne changera rien », prédisait Jean-François Corty, alors directeur des missions France de Médecins du monde, dans un entretien à Libération, en août 2014. Pas même l’image de Calais ? La municipalité joue depuis quelques années la carte de la destination touristique. Une politique marquée par l’arrivée, en 2019, d’un dragon d’acier articulé de 25 mètres de long et 10 mètres de haut, conçu par la compagnie nantaise La Machine et promenant les touristes, ou par l’inauguration d’un nouveau belvédère en bord de mer, l’année suivante.

« La maire répète qu’il faut redorer l’image de la ville. Elle a réussi en partie, mais c’est artificiel, considère Louise Druelle, élue (écologiste) d’opposition. L’ambiance est morose. Les expulsions quotidiennes, les rochers, c’est oppressant et inutile. Ça n’empêche pas les gens de passer et ça ne rassure pas les Calaisiens. Au contraire, ça exacerbe la méfiance, et le vivre-ensemble en prend un coup. » Thibault Bardin, de L’Auberge des migrants, voit pour sa part un « paradoxe » dans l’« architecture défensive » qui s’est imposée : « On invisibilise les migrants, mais on rend visible l’inhospitalité de la ville. »

Un moteur de bateau sur la plage de Sangatte (Pas-de-Calais), le 15 novembre 2021, quelques jours avant le naufrage du 24 novembre, au cours duquel plus de vingt-sept personnes ont péri en tentant de traverser la Manche en bateau pneumatique. PALOMA LAUDET/ITEM
Peu nombreux sont les Calaisiens qui se mobilisent contre la défiguration de leur ville. « Les gens sont usés par la précarité, pense M. Lenoir, de l’association Salam. Et puis, il n’y a plus de leader politique, y compris dans le milieu humanitaire et associatif. Notre société est devenue égoïste. » La « laideur » de Calais n’empêche pas de dormir François Guennoc, de L’Auberge des migrants. Il se dit que « ce n’est pas irrémédiable » et se demande même s’il y aura, dans quarante ans, un musée des migrations dans la ville, comme il s’en ouvre à la mémoire des choses révolues. « Quelques rochers et des grillages » y seraient alors exhibés, imagine-t-il.



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