Syrie : "Assad reste sourd, il faut accroître la pression"

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Syrie : "Assad reste sourd, il faut accroître la pression"

18 novembre 2011 - L’Express - AFP

Les troupes sont intervenues contre les contestataires ce vendredi, à la veille de l’expiration d’un ultimatum lancé par la Ligue arabe. La pression internationale, sans effet pour le moment sur le régime syrien, s’accentue.

La police tire sur la foule

Les forces de sécurité ont tiré pour disperser des milliers de Syriens qui manifestaient contre le régime dans de nombreuses villes, ce vendredi. Ces tirs auraient fait au moins seize morts, dont un enfant, et une vingtaine de blessés, ont rapporté des militants syriens. Un bilan qui ne cesse de s’alourdir.

Selon un précédent bilan, deux manifestants ont été tués par les tirs à Homs (centre), un haut lieu de la contestation. Cinq personnes, dont un enfant, ont péri sous les balles à Deraa (sud), où est née la révolte populaire le 15 mars. Trois manifestants ont été tués dans la région de Damas et un autre à Hama, détaillent l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) et les Comités locaux de coordination (LCC) qui chapeautent les contestataires.

Des dizaines de personnes ont été en outre blessées : 17 lors d’une manifestation dans la province d’Idleb (nord-ouest), cinq à Homs et quatre lors d’un rassemblement à Harasta, dans la banlieue de Damas, a précisé l’OSDH. La télévision d’Etat syrienne a de son côté affirmé que trois membres des forces de sécurité avaient été tués dans une attaque à la bombe à Hama (centre).

Les manifestations se sont déroulées dans de nombreuses villes du pays malgré le déploiement massif des forces de sécurité. Sur leur page Facebook, les militants pro-démocratie ont placé la journée sous le slogan "l’expulsion des ambassadeurs". "Hommes libres, chassez ces ambassadeurs du crime", écrivent-ils en appelant à des manifestations massives qui, comme tous les vendredis, commencent après la prière hebdomadaire de midi.

Que font la Ligue arabe et l’ONU ?

Ces nouvelles violences interviennent à la veille de l’expiration d’un ultimatum lancé par la Ligue arabe. Elle a donné jusqu’à samedi au régime syrien pour cesser les violences contre les civils sous peine de sanctions économiques, alors que tous les vendredis les troupes tirent pour disperser les manifestants. L’intransigeance des Arabes vient du fait que Damas ne respecte pas, contrairement à sa promesse, le plan de sortie de crise arabe qui prévoyait la fin des violences, le retrait des troupes des villes, la libération de milliers de détenus et l’envoi d’observateurs arabes.

Mais le régime reste inflexible, malgré les pressions internationales et arabes pour un arrêt des violences et un départ de Bachar al-Assad qui vont croissantes. Face aux divergences sur le dossier syrien, Paris, Berlin et Londres veulent présenter au Comité des droits de l’Homme de l’Assemblée générale de l’ONU une résolution condamnant les agissements du régime. Un vote devrait intervenir mardi. Le succès d’une telle démarche pourrait augmenter la pression sur le Conseil de sécurité de l’ONU.

Paris et Moscou affichent leurs divergences

Après les déclarations de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, disant qu’il était "temps pour le président Assad de démissionner", le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé s’est exprimé ce vendredi. Il a déclaré que "le moment est venu d’accentuer les sanctions" contre le régime syrien, "qui n’a rien voulu savoir". "La situation n’est pas tenable", et "la poursuite de la répression est inacceptable", a ajouté Juppé lors d’une visite à Ankara. "Il n’est pas normal que le Conseil de sécurité (de l’ONU) ne se soit pas prononcé jusqu’à présent".

"J’espère que ceux qui bloquent toute résolution prendront conscience de la réalité", a encore déclaré Alain Juppé. Une allusion claire à la Russie et à la Chine, qui disposent d’un veto au Conseil de sécurité de l’ONU. Ces deux pays continuent de refuser toute ingérence étrangère en Syrie et de croire à un dialogue entre le pouvoir et l’opposition en dépit des violences qui ont fait plus de 3500 morts en huit mois de révolte selon l’ONU.

Vladimir Poutine, Premier ministre russe, a répondu ce vendredi, lors d’une conférence de presse avec son homologue français François Fillon, à Moscou. "Nous appelons à la retenue et à la précaution, c’est notre position" sur la Syrie. Moscou refuse toute sanction contre le régime syrien, estimant que l’opposition est aussi responsable des violences. Et ce vendredi, le quotidien israélien Haaretz affirme que Moscou aurait déployé des navires russes pour protéger son allié syrien en cas d’intervention internationale.

Quant à François Fillon, il a haussé le ton de son côté. "Nous considérons que la situation est de plus en plus dramatique. Bachar al-Assad est resté sourd aux appels de la communauté internationale, il n’a pas donné suite aux promesses de réformes, les massacres se poursuivent", a-t-il déclaré. "Nous pensons qu’il est indispensable d’accroître la pression internationale" a-t-il dit sans préciser comment et en quels termes.

Bientôt un "groupe de contact" ?

La France intensifie ses contacts diplomatiques sur la Syrie depuis quelques jours via notamment, selon des sources concordantes, une réunion organisée ce vendredi au Quai d’Orsay avec ses partenaires américain, britannique, allemand, turc et de plusieurs pays arabes. "Je ne confirme rien", a dit vendredi lors d’un point-presse le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero. Selon Le Nouvel Observateur, cette réunion prévue à 16h30, vise à mieux coordonner l’action internationale.

Sous couvert d’anonymat, un responsable français assure qu’il ne s’agit pas dans l’immédiat de préparer les bases de la création d’un "groupe de contact" sur la Syrie à l’image de celui qui avait été créé pour la Libye, comme l’ont affirmé certains médias. "On n’a pas à l’esprit un dialogue institutionnel", souligne-t-il, mettant en avant la nécessité de "contacts informels". "Nous avons décidé d’intensifier notre dialogue" avec les partenaires occidentaux et arabes de la France, précise cependant ce responsable.

Vers une "guerre civile" ?

Ces nouvelles manifestations surviennent aussi au moment où les craintes d’une guerre civile s’amplifient. La révolte populaire, qui s’exprimait jusqu’ici à travers des manifestations contre le régime, devient de plus en plus militarisée avec l’intensification des opérations de l’Armée Libre de Syrie (ASL) regroupant des soldats insoumis qui ont mené des attaques inédites aux roquettes RPG contre des centres des services secrets et du parti Baas au pouvoir.

"Plus la communauté internationale piétine et la Ligue arabe tarde à forcer la Syrie à agir, plus on se dirige vers ce scénario", affirme Salman Shaikh, directeur du Brookings Doha center. "Face à l’instransigeance de pays comme la Russie, on se retrouvera dans une situation où personne ne voudra plus parler politique", ajoute-t-il. "Les Syriens "commenceront à se battre entre eux".

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