Embarquement pour la jungle de Calais avec Philippe Eurin comme « passeur »
10 septembre 2010 - La Voix du Nord - J.-H. Mabille de P.
De 2007 à 2009, Philippe Eurin, chargé de la communication du groupe Hopale, s’est rendu, chaque fois qu’il a pu, dans la « Jungle » de Calais, jusqu’à son démantèlement le 22 septembre 2009. Il en a tiré un petit livre plein de fraternité et de réflexions utiles pour l’avenir et avec quelques portraits d’hommes et de femmes inoubliables. Il est allé régulièrement à Calais pendant plus de deux ans, avec un ami photographe, Jérôme Equer, avec lequel il avait réalisé, il y a plusieurs années, un superbe livre, « Traumas », sur les accidentés brisés des hôpitaux de Berck. Philippe Eurin, effaré, a vu à l’oeuvre la poignée de bénévoles submergés chaque jour par le flot des migrants, comme châteaux de sable par la marée montante. Mais chaque jour renaissants. « À la fin de chaque journée, j’étais épuisé de voir. Mais en même temps, plein de bonheur. Cette humanité, cette fraternité, ça me réconfortait, ça me redonnait plein de forces, on ne peut pas imaginer. » Il a pris des notes même si devant tant de visages fugitifs, de misères et de peurs, écrire un livre lui apparaissait totalement incongru. « Je me déculpabilisais en apportant toujours des vêtements... » Finalement, il a voulu témoigner, même si les mots étaient bien trop petits pour contenir ce qu’il avait vu. « Ça rentrait encore moins dans les phrases ! » Un épuisant travail d’écriture : « Maintenant je ne m’embêterai plus avec des histoires et des phrases. J’écrirai des poèmes, ce sera bien plus facile ! »Philippe Eurin nous rend le coeur tout brûlant au contact de ces Afghans, Érythréens, Irakiens, de 14 ou 15 ans, qui lui offrent le thé, cinq cents toujours en mouvement, harcelés par les uniformes, à attendre chaque jour leur ration de nourriture ou des baskets non trouées de la main d’une poignée de Calaisiens. Les noms de Sangatte ou de Calais sont connus maintenant universellement. « Quelle image magnifique, ils donnent de Calais ! Ce sont des résistants, comme pendant la guerre, de vrais héros. Ils rentreront dans l’histoire. Pas maintenant. Mais ils auront leur statue comme celle des Bourgeois de Calais ! » Aujourd’hui, la « Jungle » n’est plus. Mais les migrants sont toujours là, aussi nombreux, éparpillés dans la ville et sur toute la côte, guettant les camions vers l’Angleterre, aidés par des Calaisiens coupables du « délit d’entraide ».
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