Démantèlement annoncé des camps à Calais : réactions de migrants
22 mai 2014 - La Voix du Nord - Marie Goudeseune
La plupart des migrants qui vivent dans des tentes à Calais savent que l’évacuation de leur campement est imminente. La rumeur a couru jusqu’à eux, certains ont même lu dans les journaux le compte-rendu de la conférence de presse du préfet mercredi. En revanche, aucun d’eux ne sait ce qu’ils deviendront si on les expulse demain. Rencontres.
On vient les voir pour connaître leur réaction, mais ce sont eux qui posent les questions. À peu près toujours la même question d’ailleurs : « On va aller où ? » Les exilés de Calais n’en savent rien. Ils savent en revanche que la police va bientôt les expulser. La plupart d’entre eux en tout cas sont au courant. Morteza, un Afghan croisé près du port, espère que les autorités reviendront sur leur décision : « Sinon on ira où ? Dans la jungle ? »
Dans la jungle ou ailleurs en fait : ils ne sont plus à ça près. « Chaque chose en son temps », dit un Syrien. La police viendra peut-être demain, mais en attendant, il y a d’autres priorités. « Tout le monde, tous les soirs, tente sa chance pour aller en Angleterre », confie Youssef. Lui a essayé huit fois. Huit échecs : « À chaque fois la police m’a chopé à l’intérieur des camions. » Retour à la case départ : Calais, les tentes, « la misère totale ».
Voilà Abdoulraouf : c’est un Syrien de 45 ans qui présente particulièrement bien. Vêtu d’une chemise bleu ciel, petites lunettes sur le nez, il sort d’une tente où il était entassé avec quatre compatriotes, pour nous expliquer qu’il était avocat à Alep, et qu’il a dû fuir son pays en guerre. La France a refusé plusieurs fois, dit-il, de le laisser passer à la frontière, et il a dû faire plusieurs tentatives pour arriver jusqu’ici. Ici où « tout est dur, où ce n’est pas la vie ». Abdoulraouf veut écrire à l’Union européenne pour dire ce qui se passe à Calais : « Les Syriens sont dans la misère. On est hors-la-loi pour la France mais pas pour la Déclaration universelle des droits de l’homme. » L’article 14 de la déclaration, répète Abdoulraouf, « l’article 14 ! » Cet article, le voici : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays. »
Nulle part où dormir
Quai de la Batellerie, on croise Iley, un Érythréen qui ne peut plus s’arrêter de parler. Il souffre, c’est écrit sur son visage. « J’ai besoin d’un papier et d’un stylo pour écrire mes émotions », souffle-t-il. Il n’a pas de papier pour écrire la nuit qu’il vient de passer sur ce quai, dans la tente, sous la pluie : « Tout était trempé, toute la tente, même les vêtements que je porte étaient trempés, même à l’intérieur de ma peau c’était trempé. » À côté de lui, son camarade n’arrête pas de montrer son bras couvert de boutons et le trou qu’il a dans la chaussure droite.
« Les gens préfèrent aller en prison que de rester ici », résume Abdallah quand on le croise quelques mètres plus loin. Ce jeune Mauritanien parle bien français et il aime lire. D’ailleurs, dans la matinée, il est allé comme tous les jours au centre d’accueil pour demandeurs d’asile pour lire le journal. Il connaît la décision du préfet d’évacuer les tentes : il a lu tous les articles. Lui est en demande d’asile en France. Mais comme tous les centres d’hébergement sont bondés, il n’a nulle part où dormir. Il reste au campement des Soudanais, où il n’a pas eu « la chance » d’avoir une de ces tentes apportées par l’association Salam. Il dort donc sous un pont, exposé à tous les vents, en attendant le rendez-vous qu’on lui a fixé le 18 juin pour sa demande d’asile : mais sera-t-elle acceptée ?
Malgré nos sollicitations, la Région, propriétaire des terrains, et la Chambre de commerce et d‘industrie (CCI) Cote d’Opale, n’ont pas souhaité réagir après l‘annonce du préfet.
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