Afghanistan : Azizullah et Nasibullah, 10 ans, candidats à un attentat suicide
13 février 2012 - Le Point - AFP
Ils ne sont pas encore entrés dans l’adolescence mais sont déjà candidats à un attentat suicide : Azizullah et Nasibullah, 10 ans, ont été arrêtés à Kandahar, bastion taliban du sud de l’Afghanistan, alors qu’ils se préparaient pour la seconde fois à se faire exploser.
Ces deux frêles enfants ont été capturés la semaine dernière en compagnie de leurs trois instructeurs barbus "alors qu’ils préparaient une attaque contre des forces afghanes ou internationales dans la ville de Kandahar", a expliqué Zalmai Ayubi, porte-parole de la province éponyme.
Deux vestes pleines d’explosifs et des armes ont été retrouvées lors de leur interpellation.
Détail étonnant, ce n’est pas la première fois que cela leur arrivait. Originaire de la province du Balouchistan (ouest du Pakistan), Nasibullah, aux sourcils touffus et au visage ovale, a déjà été arrêté à Kandahar alors qu’il portait une veste pleine d’explosifs.
Son apprentissage de la violence a débuté par son propre kidnapping qui l’a mené chez les talibans. "Ils m’ont forcé à tirer à la kalachnikov. J’avais peur au début. Ils m’ont aussi appris à faire sauter ma veste. Ils m’ont montré comment appuyer sur le bouton que j’avais dans ma main", raconte-t-il.
"Ensuite, ils m’ont emmené (à Kandahar). Ils m’ont fait asseoir sur le bord de la route et m’ont dit d’attendre les troupes étrangères. C’est là que la police m’a arrêté", poursuit le jeune Pakistanais dont les propos ont été retransmis par Tolo news, une chaîne d’information afghane.
Arrêté, il est interrogé puis envoyé à Kaboul où le président Hamid Karzaï lui accorde son pardon en compagnie de 19 autres enfants/adolescents, lors de l’Aïd-el-Fitr, qui marque la rupture du ramadan. De retour chez lui, il est vraisemblablement repris par les talibans.
Orphelin, Azizullah apprend dans une madrasa - une école religieuse - que "quand on mène une attaque suicide sur des soldats, on ne meurt pas. Seul un doigt est coupé", explique-t-il. Envoyé en mars à Gardez, la capitale de la province de Paktya, dont il est originaire, pour s’y faire sauter, il est arrêté.
Son destin le mène, tout comme Nasibullah, à Kaboul, où il obtient également la grâce présidentielle. Puis Azizullah, aux grand yeux doux, est envoyé en maison de correction, d’où il s’échappe en creusant un trou dans un mur.
Ses formateurs, en le voyant revenir lui disent : "Viens, on va t’entraîner encore pour que quand les Américains te tirent dessus, ils ne te touchent pas", narre-t-il. "Ils ont tiré à ma droite et à ma gauche. Je n’ai pas été touché !"
"J’espère qu’on ne trompe pas les enfants de mon âge qui étudient dans des madrasas", remarque-t-il piteusement. "J’ai demandé aux professeurs de ma madrasa de ne pas apprendre aux autres enfants à devenir des kamikazes", lui répond en écho Nasibullah.
"Même s’ils recrutent la plupart du temps de jeunes hommes, les talibans prennent aussi des enfants pour leurs attaques. Il est facile de les entraîner. Ils n’ont pas besoin de laver leurs cerveaux pour qu’ils acceptent de porter une attaque", commente Waheed Mujda, ancien cadre taliban devenu analyste.
"En plus, les enfants ont accès à plus d’endroits. Personne ne les fouille ou les arrête", poursuit-il dans un entretien avec l’AFP.
La présentation des deux enfants à la presse a eu lieu dimanche, journée internationale contre l’utilisation d’enfants soldats. "On continue à voir en Afghanistan des enfants recrutés comme combattants, tués, violés ou abusés sexuellement", dénonce l’Union européenne dans un communiqué.
Selon l’ONU, quelque 15% des plus de 3.000 civils tués en 2011 en Afghanistan l’ont été lors d’attentats suicide, imputables aux insurgés, dont le nombre n’a pas augmenté mais qui ont fait 80% de victimes supplémentaires par rapport à 2010.
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